À l'école et autour de l'école

30 juillet 2021

Frédéric Vinclère, auteur jeunesse, au centre de Loisirs de Vignoc

Dans le cadre des Vacances Apprenantes, en partenariat avec le Centre national du livre, La Charte des auteurs et des illustrateurs pour la jeunesse et La Ligue de l’enseignement, l’auteur jeunesse, Frédéric Vinclère, a animé des ateliers d’écriture avec les enfants du centre de Loisirs de Vignoc.

Il a accepté de se prêter au jeu de l’interview pour nous parler de son métier et de son intervention auprès des enfants.

Pouvez-vous nous parler de votre métier d’auteur jeunesse ?

C’est vaste comme question ! Un auteur jeunesse c’est quelqu’un qui fait de la littérature au sens du dictionnaire, c’est quelqu’un qui fait un écrit avec une recherche esthétique.

Pendant longtemps, on a cru que la littérature jeunesse c’était de la « sous littérature », de la littérature de genre, comme le polar, parce que c’est de la littérature qui s’adresse à un public plus jeune. Finalement, on s’est rendu compte que les formes et les styles sont multiples, et on peut vraiment faire une recherche esthétique sur du texte. En tant qu’auteur jeunesse, nous sommes des auteurs à part entière.

Par exemple, écrire pour Pomme d’Api pour les 3-4 ans c’est dur, parce qu’il y a des contraintes fortes, comme pour la BD, il faut laisser la place à l’illustration, il faut dire beaucoup de choses en très peu de mots pour les petits. Il y a aussi des contraintes de point de vue, ça se réfléchit, c’est très recherché, le moindre mot, la moindre virgule sont pensés.

Un auteur jeunesse c’est quelqu’un qui est très proche de la poésie, dans le sens où il faut en dire beaucoup et exprimer beaucoup de ressenti en très peu de mots. Etre auteur jeunesse c’est un métier, on se bat beaucoup pour cela avec la charte des auteurs jeunesse et la Ligue des auteurs car nous sommes peu reconnus. Contrairement à des auteurs de littérature générale, nous faisons énormément d’interventions scolaires et nous rencontrons beaucoup de publics en médiathèque, il y a une part de médiation, d’animation.

Je suis venu à la littérature jeunesse en rencontrant une éditrice quand j’étais apprenti libraire, elle nous a dit : « S’il y a parmi vous des personnes qui écrivent, faites-le en littérature jeunesse car nous avons besoin d’auteurs français qui vont dans les classes, qui rencontrent leur public. » et c’est ce qui m’a attiré. Plus le fait de pouvoir sortir plusieurs livres dans une même année, on peut multiplier les supports (BD, album, poésie, romaine, presse, libraire).

Pouvez-vous nous présenter l’atelier que vous animez à Vignoc dans le cadre des Vacances apprenantes ?

L’atelier est complétement différent de ce qui était prévu, j’attendais plus de cycle 3 avec des CM1-CM2. Mais je suis capable de m’adapter, on sait très bien qu’un atelier ne peut pas se passer de A à Z comme c’était prévu, et puis ce n’est pas parce que les enfants sont dans tel niveau qu’ils ne savent pas faire certaines choses, donc c’est forcément très mouvant.

Au centre de loisirs de Vignoc, on a plus de cycle 2, CP et CE1-CE2.  Les CP ne maitrisent pas totalement l’écrit, on est davantage sur une dictée à l’adulte, on part d’une image et ils inventent une histoire avec un début, un milieu et une fin, ils développent des choses et j’écris pour eux.

Avec le Vacances apprenantes, on est dans cette optique-là, faire des choses qui sont en lien avec l’école mais en démocratisant, sans que ce soit scolaire. La première question qu’ils m’ont posée c’était : « Mais moi je fais plein de fautes, est-ce que c’est grave ? » la réponse est « Non ! ». On ne va pas corriger les fautes, on est là pour faire de l’écriture pour le plaisir, pour « dédiaboliser » et pour rapprocher de l’écrit au sens ludique.

Pour mener les ateliers, je propose trois mots à choisir au hasard, par exemple : j’aime, je n’aime pas, qui est-ce ? Une fois la règle posée, les enfants devaient composer à partir de ça. Sauf que très vite la plupart m’ont dit : « Non, moi j’ai envie d’écrire une histoire que j’inventerai tout seul. » sans partir des mots.

L’objectif des ateliers était que ce ne soit pas contraignant et on les a laissés libre. Le lendemain, j’ai apporté un album qui s’appelle « Les mystère d’Harris Burdick » où il y a différentes illustrations fantastiques et à partir desquelles ils doivent inventer une histoire. Les enfants m’ont demandé à la fin : « C’est quoi la vraie histoire ? », mais il n’y en a pas ! On part d’une illustration et c’est aux enfants d’inventer l’histoire, à la fois ça crée des frustrations, mais ça libère aussi plein de choses.

On est partis d’une illustration d’une maison qui décolle et on s’est posés des questions : « Pourquoi elle décolle ? Pourquoi il y a du feu sous la maison ? », certains ont remarqué qu’il y avait une seule fenêtre allumée à l’étage et on est partis de ça : « Qu’est-ce qu’il y a derrière cette fenêtre ? ». A partir de ces illustrations, les enfants inventent, certains trouvent des titres très vite, d’autres imaginent. Julia a dessiné une piscine dorée à coté de la maison qui décolle. On est partis sur cette piscine dorée pour inventer une autre histoire. D’autres ont imaginé que dans cette maison, il y avait des extraterrestres qui allaient sur la lune. On donne un point de départ, les enfants rebondissent et on part du rebond, de la première chose qu’ils vont exprimer, pour inventer l’histoire.

Lilou a inventé un bestiaire, elle a inventé des animaux qui n’existent pas de toutes les couleurs, elle a fait des loups violets, des renards bleus et des grenouilles roses, tout un bestiaire avec, pour chaque animal, une histoire.

Auprès de combien d’enfants êtes vous intervenu ?

Une douzaine en moyenne, c’est fluctuant car leur attention est limitée. Comme en classe, c’est difficile de faire un atelier de plus de 40 min avec des CP, CE1-CE2. La cohorte bouge pendant un atelier, il y en a qui se mettent à dessiner, d’autres partent jouer, puis ils reviennent. Ils m’entendent parler de quelque chose et reviennent pour intégrer une partie qu’ils ont inventé dans l’histoire.

Minimum il y a eu 4 enfants mais en moyenne une dizaine/douzaine, ce qui est très satisfaisant au vue de la durée de l’atelier qui dure environ 1h30, pour un public de cet âge ça peut-être beaucoup.

Quel est votre ressenti sur votre présence dans le centre de Loisirs ?

Le ressenti est plutôt positif. C’est très fluide, se mettre à la hauteur d’enfants dans la littérature jeunesse c’est très agréable, ils ont des considérations parfois très graves mais la plupart du temps très fantaisiste, c’est un vrai vent frais quand je viens avec eux.

Chaque enfant est différent et porte leurs originalités, et ils sont beaucoup moins formatés, uniformisés, que peuvent l’être des adolescents ou des adultes. Ils sont beaucoup plus libres dans l’expression, dans la construction de leurs univers. Parfois c’est complétement farfelu, des fois ça n’a ni queue ni tête et on essaie de remettre ça dans l’ordre ensemble. Ils partent dans tous les sens, c’est vraiment de l’expression libre et ça c’est drôle et ils le font très bien.

Certains avaient déjà lu mes textes en presse, et puis ils ont posé plein de questions : pourquoi j’avais pris un pseudonyme, c’est quoi un éditeur, comment on fabrique un livre. C’était très spontané.

Ne pas être dans un cadre scolaire c’était très agréable, ils ne sont pas en redonnions, ils bougent ! Il y en a qui arrêtent, d’autres qui arrivent, les groupes se forment, c’est très libre et c’est très bien pour eux d’avoir ces espaces là en dehors de l’école.

Selon vous, en quoi ces ateliers participent à initier le goût à la lecture et à l’écriture chez les enfants ?

Cela y participe à part entière !

J’ai pu comparer avec un collège, de septembre à janvier, les élèves ne font quasiment plus de rédaction d’expression écrite libre. Pour eux, l’écrit est très scolaire, lié aux devoirs et à la contrainte. Le livre c’est quelque chose de figé pour eux, ce n’est pas vivant comme un film ou de la musique. Donc de voir l’auteur, la personne qui est derrière le livre, de voir comment ça fonctionne, ils s’approprient le livre différemment.

Ici les enfants se sont rués sur mes livres pour les toucher dans tous les sens, pour regarder les images, essayer de comprendre de quoi ça parlait, ça permet aussi de démystifier le livre qui peut avoir un rôle plutôt rigide de savoir : les gens qui lisent sont ceux qui savent, dans les livres il y a toujours la vérité. Or, ce n’est pas le cas.

Ça permet de rendre le livre plus ludique et de casser cette image de l’écrit souvent trop scolaire et de dire aux enfants « vous pouvez écrire, vous pouvez inventer des histoires ». Nathan, par exemple, était paniqué, il m’a dit « mais je ne sais pas lire, je ne sais pas écrire » et j’ai passé du temps avec lui et il a créé une histoire que j’ai retranscrite, il n’en revenait pas « Mais c’est mon histoire ? », « Oui c’est ton histoire », il est reparti avec sa feuille très fier. Ils ont tous gardé leur histoire pour la ramener à la maison. De cette manière, on leur montre qu’ils sont capables d’exprimer et de faire des textes déjà très longs alors qu’ils ont à peine 7 ans.

Casser cette image de « c’est trop dur pour nous, je ne suis pas capable de lire un gros livre, les livres c’est pour les grands qui savent » et non les livres c’est pour tout le monde, c’est aussi pour les petits et ça fonctionne très bien !

Témoignages d’enfants

Nous avons demandé aux enfants de nous parler, avec leurs mots, des ateliers.

Lilou 7 ans

« On a écrit et inventé des histoires, on a colorié les histoires. Aussi, il a ramené des histoires pour apprendre à faire des histoires. On a ramené les histoires à nos maisons. Dans les histoires il y avait une piscine dorée. »

Ryan 9 ans

« Une fois j’ai fait un atelier et on devait écrire une BD, c’était bien on faisait la BD qu’on voulait. On a écrit une BD, un petit livre de 2-3pages si tu avais le temps, et après on pouvait faire des dessins pour l’histoire, c’était vraiment bien. Et Fred, il nous a dit de l’appeler comme ça, était très gentil et il nous a donné un petit livre pour écrire nos histoires à ramener chez nous. »