Avec les citoyens

17 novembre 2025

100 ans d’action laïque avec la Ligue de l’Enseignement d’Ille-et-Vilaine

Cette année 2025 marquera le 120e anniversaire de la loi de Séparation des Églises et de l’État

Naturellement, la Ligue de l’enseignement d’Ille-et-Vilaine proposera plusieurs rendez-vous autour du 9 décembre comme elle le fait chaque année depuis plus d’un quart de siècle pour commémorer cet événement.
Et notamment en inscrivant ses initiatives dans le programme des Journées Rennaises de la Laïcité organisées par la Ville de Rennes.
En cette même année 2025, nous célébrons aussi le centenaire de la Ligue de l’enseignement d’Ille-et-Vilaine dont on peut considérer, qu’au fil de cette déjà longue histoire, la laïcité s’inscrit comme le maître-mot de ses engagements.
En effet, toute l’histoire de la Fédération, et d’ailleurs dite Fédération des Œuvres Laïques durant près de 80 ans, est marquée par un travail continu pour la promotion de la laïcité. Dès lors, il sera intéressant de voir, en cette année du centenaire, comment ce vaste chantier a pu revêtir différentes formes, différents types d’engagement et d’initiatives au fil de ce siècle écoulé.

1 – La Fédération des Œuvres Laïques (F.O.L.) dans la bataille pour la République et son École

La Fédération dans la guerre scolaire

Quand, en 1925, s’inscrivant dans la dynamique de la Ligue de l’Enseignement et de Jean Macé appelant à combattre l’ignorance et « à éduquer au suffrage universel », François Bizette, alors Président du Cercle Paul Bert, Oscar Leroux, Secrétaire général du Cercle républicain, et Georges Dottin, Président du Comité de défense laïque, prennent l’initiative de créer, en Ille-et-Vilaine, la Fédération des Sociétés Laïques. Il s’agit avant tout de mobiliser le plus grand nombre de groupements, de sociétés et de citoyens pour mener la bataille de l’École, la bataille pour l’École laïque et pour la République.

Et la bataille sera rude. Car ce sera la prolongation de cette « sempiternelle guerre des deux France » dont parle l’historien Emile Poulat avec « d’un côté le camp de la Révolution identifié à la laïcité, aux droits de l’homme et au progrès, de l’autre, le camp de la Restauration, du cléricalisme romain, de la résistance aux libertés et à la modernité ». Ligne de fracture encore particulièrement vive en Bretagne aux premières décennies du XXe siècle et notamment sur la question de l’École. L’Église catholique qui n’a toujours pas accepté les lois scolaires Ferry/Goblet (1881-1884) redouble d’efforts pour créer des écoles privées. Il s’agit alors de s’opposer à « l’école sans Dieu » quand ce n’est pas à « l’école du diable » ! Face à cette offensive orchestrée par les évêques de Bretagne, les militants laïques vont alors se mobiliser sur ce seul mot d’ordre : gagner la bataille de l’École.

Fête de la jeunesse en 1905, à Rennes

Pour la toute nouvelle fédération, il s’agira alors, pour la toute nouvelle fédération, d’aider à la création des écoles publiques dans un climat souvent hostile et notamment face au refus de certains maires d’ouvrir des locaux scolaires. Mais ce sera surtout par le développement de ce que l’on nommait alors « les œuvres laïques » post-scolaires (pour les adultes) et périscolaires (pour les enfants et les jeunes). Qu’il s’agisse d’activités sportives ou culturelles, de la mise en place de bibliothèques scolaires, de cours du soir, ou encore des premières cantines scolaires. Tout ceci grâce à la multiplication des amicales laïques qui œuvreront sur tout le territoire départemental. Elles seront très tôt présentes sur plus de la moitié des communes d’Ille-et-Vilaine.

Cette « guerre scolaire » sera ponctuée de grands événements portés par les deux camps : des rassemblements de milliers de personnes tel le Congrès régional de la Ligue de l’enseignement qui réunira plus de 5000 militants à Rennes le 18 décembre 1927. Ou les fêtes de la jeunesse, véritables démonstrations de forces et d’unité créées à Rennes dès 1925 à l’initiative du Cercle Paul Bert (photo ci-contre). Elles deviendront le grand rassemblement laïque annuel se développant sur tout le département, quasiment au niveau de chaque canton. Ne pouvant ignorer l’impact de ces événements, les catholiques organiseront des fêtes de la jeunesse des écoles chrétiennes à partir de 1930. Les fêtes laïques, longtemps présidées par les autorités civiles et militaires, connaîtront une plus longue prospérité puisqu’elles vont perdurer jusqu’à la fin des années 1990 à Fougères et Saint-Malo. Et même jusqu’en 2004 pour la Fête de la jeunesse des écoles publiques de Rennes.

illustrations centenaire

Le combat des forces laïques rassemblées

Après la seconde guerre mondiale, la bataille de la laïcité se poursuivra sur deux fronts :

  • Compléter l’offre éducative de l’Ecole

Il s’agira alors de structurer le réseau d’amicales laïques affiliées comme un véritable bras militant prolongeant l’action des établissements de l’Education nationale afin d’assurer le rayonnement de l’Ecole publique. Et en premier lieu en développant l’offre éducative d’activités périscolaires dont la palette s’enrichira continuellement (théâtre, chant choral, danse, cinéma, activités scientifiques, activités sportives avec l’USEP, vacances familiales et colonies de vacances, classes de découverte…).

Ce sera le temps de la Quinzaine de l’École publique confiée à la Ligue de l’enseignement et ses fédérations par le Ministère de l’Éducation Nationale. Ainsi, à partir de 1947 jusqu’au début des années 2000, des générations d’enfants se succéderont pour proposer timbres et vignettes dans le cadre de cette collecte qui permettait de financer les activités éducatives, culturelles et sportives au niveau de chaque école publique pour mieux faire face à l’école privée. C’est dans cette période que la fédération d’Ille-et-Vilaine engagera la création d’un centre de vacances familiales et de classes de mer à Cancale (1968-1980).

manifestation laïcité
  • S’opposer à la loi Debré

C’est à ce moment aussi que ressurgit la bataille entre catholiques et laïques sur la question scolaire. Les laïques vont se mobiliser avec force et vigueur contre les lois Debré (1959) et Guermeur (1977) instituant durablement le dualisme scolaire. La F.O.L. mobilisera alors ses militants et ses adhérents aux côtés des forces syndicales des enseignants FEN (Fédération de l’Education nationale) et en particulier du SNI (Syndicat national des instituteurs), des Parents d’élèves de la FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves) et des DDEN (Délégués départementaux de l’Education nationale), tous réunis au sein du Comité Départemental d’Action Laïque (CDAL/CNAL). Ainsi, après avoir recueilli plus de 11 millions de signatures, les forces laïques devaient se rassembler en nombre (400 000), sous l’égide du CNAL, à Vincennes le 19 juin 1960 et faire le serment solennel de « manifester en toutes circonstances et en tous lieux leur irréductible opposition à la loi Debré contraire à l’évolution historique de la Nation. ». Et de fait, le champ militant de la laïcité va alors se figer pour une bonne vingtaine d’années sur la seule question scolaire.

C’est dans ce contexte que la F.O.L. d’Ille-et-Vilaine ne manquera pas de célébrer le centenaire de lois scolaires autour d’expositions, de rencontres et de Fêtes départementales (1981-1984). Ce sera l’occasion d’évoquer que si on retient généralement comment la IIIe République est venue consolider l’édifice de la laïcité avec de nombreuses lois de laïcisation dont la plus emblématique demeure la loi de Séparation promulguée le 9 décembre 1905, il convient cependant de rappeler combien les lois scolaires Ferry et Goblet (1882-1884) en sont une pièce maîtresse.

Et viendra alors, à partir de 1981, le temps des fortes mobilisations sur le chemin de l’espoir avec les manifestations départementales, régionales et nationales en soutien au projet de loi porté par Alain Savary alors ministre de l’Education nationale, pour un grand Service Public Unifié et Laïque de l’Education nationale (SPULEN).

laïcité

2 – L’actualisation du concept de laïcité

L’abandon du projet Savary, en 1984, sera un rude choc pour les militants et les organisations laïques. Ce sera le moment pour la Ligue de l’enseignement d’ouvrir un vaste chantier sur l’actualisation du concept de laïcité. Avec Laïcité 2000, la Ligue saura élargir le champ de sa réflexion en mobilisant nombre d’intellectuels (philosophes, historiens, scientifiques, universitaires, chercheurs… ) et en engageant le dialogue avec des responsables religieux et des mouvements philosophiques et humanistes. Il s’agira alors de tenter de sortir la question du seul cadre scolaire et du seul combat lié au dualisme scolaire.

La Fédération d’Ille-et-Vilaine s’inscrira pleinement dans cette nouvelle dynamique à partir de la fin des années 1980, multipliant les journées de réflexion, les colloques et prenant l’initiative, dès 1997, avec la Ville de Rennes et diverses associations laïques des premières Semaines de la laïcité et de la citoyenneté. Programmées autour du 9 décembre, elles visaient à partager la question de la laïcité avec les publics les plus divers.

De nombreux auteurs, chercheurs et historiens, philosophes ou politiques seront alors régulièrement invités à Rennes : Michel Morineau, Philippe Portier, Guy Coq, Bernard Besret, Yves Lambert, Claude Nicolet, Henri Peña-Ruiz… pour en citer quelques-uns. Mais il faut toutefois se souvenir que c’était un temps où il était difficile de faire valoir la laïcité, de tenter de partager l’idée de laïcité quand nombre d’interlocuteurs renvoyaient les dirigeants et les militants laïques à l’image de « ringards », de militants assimilés à des anciens combattants de la guerre scolaire…

Ce qui n’empêcha pas la Fédération de se mobiliser pour marquer le centième anniversaire de la Loi de 1905 en programmant plusieurs rendez-vous dans le département et en organisant en janvier 2005 à Rennes, au Parlement de Bretagne, la première manifestation d’un ambitieux programme national de la Ligue de l’enseignement.

SBL 2024

3 – La Ligue 35, un acteur référent en matière de laïcité

Finalement ce sont les attentats des 7 et 8 janvier 2015 qui conduiront les forces politiques de tous bords à se réclamer de la laïcité, même s’il convenait de rester vigilants car comme le soulignait Pascal, « tous ceux qui disent les mêmes choses ne les possèdent pas de la même manière ». Tout en reconnaissant que la laïcité, pilier de la cohésion sociale, était plus que jamais essentielle dans une société plurielle, nombre de responsables de collectivités territoriales ou d’établissements et de structures éducatives devaient cependant considérer que ce pilier restait fragile et provoquait nombre d’interrogations quant à son application concrète, car trop souvent incompris.

Dès lors, une forte demande de formation et d’information devait conduire la Ligue à se structurer en pôle ressources et à multiplier ses modalités d’intervention. Inventant alors différents types de réponses dans le cadre de formations professionnelles d’agents de collectivités territoriales ou d’administration. En ouvrant des dispositifs en direction des plus jeunes avec la mise en place de Classes Laïcité pour les écoles primaires, des interventions en collège ou en lycée ou la création de mallettes pédagogiques à destination des animations en périscolaire. Ou encore, par l’organisation de débats ou de conférences et par la diffusion de spectacles, de films et d’expositions…

C’est aussi dans ces circonstances que la Ligue 35 s’investira pleinement dans les travaux du Comité Consultatif Laïcité mis en place par la Maire de Rennes dès les premières semaines de 2015 pour « partager expériences et convictions en vue de parvenir à une connaissance objective, à une conscience mutuelle des enjeux liés à l’application du principe de laïcité ». Elle prolongera cette action en s’inscrivant dans la dynamique des Journées Rennaises de la Laïcité organisées sous l’égide de la Ville à partir de décembre 2016. Tout en développant avec le Conseil Départemental d’Ille-et-Vilaine, à partir de 2022, les Semaines Bretilliennes de la Laïcité.

Rita HB

 4 – Une détermination intacte

Il ne s’agit pas de dresser ici un bilan de l’action centenaire de la Ligue de l’enseignement d’Ille-et-Vilaine mais on pourra mesurer combien la question laïque sera restée centrale dans le projet de ce mouvement d’éducation populaire.

En mobilisant ses forces militantes principalement dans la bataille pour l’École laïque durant les premières décennies. Et progressivement, à partir des années 90, en s’affirmant à travers des champs d’intervention largement diversifiés comme un pôle de compétence en matière de laïcité, aujourd’hui pleinement reconnu.

En réaffirmant notre exigence de mettre en œuvre au quotidien une laïcité d’engagement qui montre concrètement qu’il est possible de vivre dans une société reconnaissant la diversité tout en ayant le souci de l’intérêt général, respectant les singularités et les revendications d’identités tout en préservant l’égalité en droit de l’ensemble des citoyens. Une laïcité qui demeure la meilleure façon de créer un climat de paix civile conciliant l’assurance de la liberté de conscience, l’émancipation individuelle, la garantie de la pluralité des opinions et les conditions de la fraternité.

L’historienne Rita Hermon-Belot, que nous aurons le plaisir d’accueillir aux Champs Libres le 27 novembre prochain, à l’occasion des Journées Rennaises de la laïcité, pour son dernier ouvrage Laïcité française et pluralité, s’interroge aux premières pages de son ouvrage sur la possibilité encore de s’exprimer sur la laïcité.

« Reste-t-il encore quelque chose à écrire sur la laïcité ? »

En effet, reste-t-il encore des choses à dire sur la laïcité ? Quand on considère la profusion d’écrits sur le sujet, mais aussi les débats et polémiques qui envahissent régulièrement l’espace médiatique. Certes nous ne pouvons ignorer ces faits et nous y avons sans doute contribué. Au nom de la Ligue, nous avons pris toute notre part tout au long de ces dernières décennies dans l’organisation de colloques, de débats, de manifestations ou par la publication de tribunes et de dossiers.

Cependant, il nous faut toujours constater une méconnaissance de la laïcité, méconnaissance des principales lois laïques et notamment de la loi de 1905. Il nous faut encore tenter de débusquer des a priori établis, des interprétations suspectes, des instrumentalisations dangereuses. Il nous faut surtout reconnaître la difficulté à toucher de nouveaux publics. Et en particulier les jeunes dont une récente enquête nous révèle qu’une majorité considérerait la laïcité avant tout comme un ensemble d’interdits.

Dès lors il n’y a pas à douter. Il nous faut résolument poursuivre notre action ; mais nous devrons savoir explorer de nouveaux chemins pour répondre aux défis d’aujourd’hui. C’est pourquoi nous serons donc encore présents avec plusieurs rendez-vous en cette fin d’année 2025, pour marquer le 120e anniversaire de la loi de 1905. En œuvrant pour partager ce beau principe de laïcité avec le plus grand nombre de nos concitoyens et notamment avec les jeunes générations.

C’est l’ambition et la modernité du projet centenaire de la Ligue de l’enseignement d’Ille-et-Vilaine.

« Une laïcité bien comprise est une laïcité bien transmise » (Jean Paul Delahaye)

 

René JOUQUAND

Novembre 2025

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